Lettre_de_mission Lettre de mission
Réflexions sur le dispositif français de soutien à la production cinématographique
Jean-Pierre LECLERC
Janvier 2003
Monsieur Jean-Pierre LECLERC
Conseiller d'Etat
Ancien Président de Section Conseil d'Etat
1, place du Palais Royal
75001 Paris
Monsieur le Président,
L'année 2001 a été en tous points exceptionnelle pour le cinéma français. La fréquentation en salle, les entrées réalisées par les films français, le nombre de films mis en production ont atteint des records. Les ventes de DVD progressent également rapidement. L'année 2002, ne devrait pas démentir cette tendance, même si la part du film français retrouve un niveau moins inhabituel.
Ce succès, le cinéma français le doit avant tout au talent de ses créateurs et de ses professionnels. Mais l'organisation de son système de financement n'est pas non plus étrangère à cette vitalité. En effet, plus de 50 % des ressources de notre cinéma sont encadrées par la réglementation (obligations d'investissement des chaînes de télévision, notamment Canal Plus ; soutien à partir du compte géré par le CNC ; Sofica.).
Ce système de financement, si nécessaire, suscite aujourd'hui des inquiétudes : alors que le cinéma français est conquérant et que de nombreux projets sont initiés, demandant des concours croissants, les sources de financement réglementées ne connaissent pas la même dynamique.
Ce phénomène accroît le risque supporté par les producteurs dans le financement des films. Si des groupes peuvent avoir la surface financière nécessaire pour y faire face, tel n'est pas le cas de nombre de producteurs indépendants qui, lorsqu'ils ne renoncent pas à leur projet, voient leur situation financière se dégrader fortement en cas d'échec du film.
Conscient de ces évolutions, et de leur caractère largement structurels, le CNC a constitué, à la fin de l'année 2001, un groupe de travail sur le financement de la production cinématographique composé de personnalités qualifiées issues de la production cinématographique, des établissements financiers et de l'administration.
Ce groupe a présenté la synthèse de ses travaux dans un rapport que vous trouverez ci-joint. Après avoir analysé l'état du financement de la production en France et dans les pays voisins, il a proposé quatre pistes de travail principales :
- le développement des instruments fiscaux (modernisation du système des SOFICA, autres outils d'aide à l'investissement dans les films indépendants),
- le rééquilibrage de la contribution de l'édition vidéo et DVD au compte de soutien,
- le développement des fonds régionaux d'aide à la production,
- l'extension de la " clause de diversité " à d'autres sources de financement.
Ces propositions n'ont cependant pas encore été soumises aux organisations professionnelles, et les modalités de mise en ouvre des orientations proposées restent à préciser.
Je souhaite vous confier une mission destinée à préciser, sur la base de ce premier travail et de vos propres analyses, les évolutions nécessaires de notre système de soutien à la production cinématographique.
Cette mission devra être menée en concertation avec les organisations professionnelles du cinéma et les administrations concernées.
Vous bénéficierez, en tant que de besoin, de l'expertise et de l'appui des services du Centre national de la cinématographie.
Votre mission devra en particulier examiner la faisabilité des mesures proposées par le groupe de travail et de toutes celles que vous jugerez pertinentes, et en préparer la concrétisation rapide par les administrations susceptibles de les mettre en ouvre. Elle pourra proposer l'adaptation des dispositifs d'aide existants gérés par le CNC de façon à rendre l'action publique plus lisible et plus efficace.
Je souhaiterais pouvoir disposer de votre rapport dans un délai de quatre mois.
Je vous remercie par avance du concours précieux que vous apporterez au développement d'une activité qui, se situant aux frontières de l'art et de l'industrie, est aussi une des formes de culture les plus partagées par les Français aujourd'hui, et qui contribue de manière éclatante à la réputation et au prestige de la France dans le monde.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'expression de ma considération distinguée.
Jean-Jacques AILLAGON